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les auteurs identifient un phénomène social qu’ils appellent la nostalgie de ben ali ou de la tunisie sous ben ali, qui se manifesterait par des discours profanes, des candidatures d’anciens ministres de ben ali à l’élection présidentielle de 2014, etc. or, s’il existe bel et bien, ce phénomène mériterait d’être nuancé. le film montre surtout les propos de quelques personnages ordinaires. et les candidats de l’ancien régime (période ben ali) ont été largement désavoués par les électeurs lors des dernières élections. le risque d’artefact est grand. pour attester de l’importance du phénomène, il faudrait des indices en termes d’intensité et de durabilité mais aussi des indices matériels, pas seulement quelques discours recueillis ici et là, ainsi qu’une appréciation d’effets concrets, notamment en termes de votes en faveur de candidats de l’ancien régime. si effet nostalgique il y a dans la dynamique électorale de l’automne 2014 (victoire de nidaa tounes aux législatives et de béji caïd essebsi à la présidentielle), c’est plutôt la nostalgie du « père de la nation », habib bourguiba que la nostalgie de ben ali qui a pu inciter au vote. on pense ici – sans que cela constitue bien sûr un modèle – à l’expérience de l’ancienne allemagne de l’est dans les nouveaux landers au début des années 1990. l’« ostalgie » allemande s’expliquait par le sentiment de déclassement d’un grand nombre de « ossies » suite à la réunification, qui était en fait une sorte d’absorption voire de néo-colonisation. la nostalgie a été un véritable phénomène social (mais aussi commercial), qui a pris une ampleur et des formes très diverses : musique, littérature, cinéma, revival de produits de consommation de la vie courante, musée de la rda, etc. il s’agissait d’un mouvement de réaction à un processus imposé d’en haut et de l’extérieur, mouvement de résistance culturelle à la globalisation consumériste mais aussi utopie post-révolutionnaire [1] . en rda, l’ostalgie trahissait également un malaise identitaire puisqu’elle se proposait de réinventer une identité collective, malmenée par la transition politique et à l’économie de marché. ce n’est pas le cas en tunisie. les significations de la nostalgie une fois nuancée l’ampleur du phénomène, quelle signification lui donner ? il faut dissiper d’emblée un malentendu. la nostalgie exprime souvent autre chose que ce qu’elle semble exprimer. il ne faut pas prendre en effet la nostalgie pour argent comptant : qu’elle soit celle d’un amour perdu, de l’enfance enfouie, elle est toujours une sorte de reconstruction mythique, voire de réinvention du passé. il est plus ou moins clair pour ceux qui l’expriment, que le passé ne reviendra pas – et c’est cette impossibilité qui donne toute sa force évocatrice à la nostalgie. la marche du temps est irréversible et la nostalgie n’est pas « le mal du retour », affirmait vladimir jankélévitch. la nostalgie politique n’est pas différente : on a tort de l’analyser comme traduisant une volonté de retour à l’ancien régime. en ex-république démocratique allemande, des acteurs politiques ont bien défendu les acquis de la rda, mais si un référendum était organisé, il n’est pas sûr que les nostalgiques iraient jusqu’à vouloir le rétablissement du régime et l’érection d’un nouveau mur de berlin. les bases du parti die linke , fort en thuringe par exemple, qui a exploité ce discours, ne demandent pas le retour à l’ancien régime. la trivialisation du passé (sous une forme édulcorée) est aussi le signe que l’on a pris conscience du fait qu’il est bel et bien révolu. la tunisie offre un cas analogue. le film, qui convoque sociologues, politologues et psychanalystes, montre bien la pluralité des causes du phénomène. la plus pertinente est la psychanalyste saïda douki, qui parle de la nostalgie d’un mieux-être : j’ajouterais, la nostalgie d’une impression de mieux-être, car le passé est réévalué positivement. la nostalgie se nourrit de la frustration sociale, économique et/ou politique de citoyens désorientés par le tour pris par la « transition démocratique ». en ce sens, elle est l’indice certainement le plus spectaculaire de ce phénomène, mais elle n’en est pas l’unique manifestation. l’insatisfaction emprunte d’autres moyens d’expression, que le film préfère ignorer : retrait du vote (non-inscription, abstention), repli dans la sphère privée, radicalisation (mouvement salafiste djihadiste), participation à un mouvement protestataire, etc. la nostalgie n’est pas un phénomène social per se mais un des multiples aspects d’un phénomène social bien plus significatif, peut-être moins vendeur cinématographiquement parlant. le film, d’ailleurs, échappe – c’est sa principale force – à ce piège d’une interprétation simpliste. si l’on écoute bien les propos tenus, les nostalgiques attendent surtout le rétablissement d’un certain ordre public et le retour du sentiment de sécurité. les enquêtes que nous avons menées auprès d’électeurs de nidaa tounes et de béji caïd essebsi lors des législatives et des présidentielles 2014 ont montré les attentes sécuritaires d’une partie de la population [2] . une part exprimait aussi l’attente d’un sauveur, d’un grand homme que beaucoup ont cru voir en béji caïd essebsi, qui s’est présenté comme l’héritier d’habib bourguiba. mais rares sont ceux qui souhaitent la réinstallation au pouvoir de ben ali ou même du benalisme, sinon un benalisme à la carte et en quelque sorte dévoyé. le désarroi suscité par les erreurs commises depuis la révolution débouche sur une réévaluation rétrospective du régime précédent, présenté comme une période de stabilité et de croissance économique, mais aussi paradoxalement de liberté : la nostalgie est aussi le procès de l’islamisme politique au pouvoir entre 2011 et 2014. les tunisiens interrogés n’ayant pas d’autre référence politique que celle par laquelle ils sont passés, expriment une « nostalgie politique » à la mesure de l’autoritarisme nourricier. la nostalgie comme analyseur en somme, le phénomène nostalgique fo